On a tellement été élevés, éduqués et formatés à nous considérer comme impuissants, à considérer la hiérarchie comme seule détentrice de légitimité, mais aussi comme seul outil de régulation des "excès", qu'observant la profondeur de fascisation de notre société, j'ai ce réflexe infantile – comme on pleure en appelant maman, héroïne seule capable de résoudre tous les problèmes – de me dire « mais où sont les organismes Internationaux, ou est l'ONU, pour nous délivrer des litteral nazis qui nous gouvernent ».
Et notez que ça, c'est le réflexe d'un gars qui s'est politisé à gauche depuis l'adolescence et qui défend aujourd'hui un communisme libertaire.
Maintenant, imaginez comment les "normies" – les personnes qui n'ont pas d'intérêt spécifique pour la politique – réagissent face à la politique actuelle.
Le sentiment d'impuissance que moi, déjà, je ressens d'une force incroyable, doit être démultiplié.
Et finalement, c'est bien résumé dans l'usage de l'expression « La France à Macron » : C'est comme ça, il n'y a pas le choix, faut juste se débrouiller pour survivre.
Le plus déprimant, et en même temps, de l'autre face de la même pièce, ce qui donne aussi de l'espoir, c'est que le sentiment d'impuissance est performatif / auto-réalisateur :
Sentiment d'impuissant = tout effort est vain = abandon de tout effort = Impuissance effective.
Mais surtout, cette auto-réalisation de l'impuissance, elle est collective. C'est-à-dire, c'est parce qu'on se sent toustes impuissant·es que, le jour ou l'un·e d'entre nous se dit : « Hey mais en fait, on a un pouvoir, on pourrait être puissant·es ! », plutôt que de créer de l'engouement politique, ça crée au contraire du cynisme genre « encore un idiot du village qui croit qu'il peut sauver le monde ».
Depuis que je suis enfant (vraiment enfant), ma haine de l'injustice, et ma volonté de trouver des solutions pour vivre mieux ont été rabaissées en m'appelant «
Naïf ».
Mais c'est quel genre d'aliénation que de considérer toute rébellion, toute volonté de sortir de l'oppression, comme «
naïve », c'est-à-dire comme impuissante et vaine.
C'est littéralement 1984 : On définit comme impuissant tout état d'esprit qui voudrait sortir de l'impuissance politique.
Eh bien, qu'à cela ne tienne. S'il est naïf de la part du peuple de vouloir se libérer, je serais naïf, et j'essaierais de convaincre mes pairs de l'être avec moi.
Et peut-être que, le jour où on sera des millions de naïfs, on pourra mener une politique naïve entre naïfs.
Naïfs de tous les pays, unissons-nous !
Manifeste du Parti Impuissant